Les points clés :
- L’ADEME estime que 20% de la pollution des eaux dans le monde est dû à la teinture et au traitement des textiles.
- Les teintures textiles provoquent : irritations de la peau, cancers, perturbations endocriniennes, problèmes de santé, destruction de la faune aquatique.
- Des alternatives voient le jour : colorants naturels, exosquelettes de coquillage ou des procédés biologiques.
Flashy, bicolore, uni… la couleur est fondamentale pour ajouter du peps à notre penderie (et à notre vie). C’est la première chose que nous voyons sur un vêtement. Bien avant de toucher le tissu, de regarder sa coupe, de l’essayer ou encore de regarder ses procédés de fabrication. Pourtant, notre amour de la couleur à ses limites et ternit notre horizon.
En effet, l’impact des teintures textiles est bien souvent négligé. Il faut l’accepter, notre désir de couleurs est toxique pour la planète et la santé ! Personne ne veut acheter un t-shirt pour lequel une personne est morte, mais qu’en est-il d’un t-shirt pour lequel une rivière est morte ? Pour beaucoup, ce n’est pas la même chose !
Un problème pour l’environnement
Le gaspillage de l’eau
À l’échelle mondiale, la production textile requiert entre 6 et 9 000 milliards de litres d’eau chaque année, uniquement pour la teinture des tissus. C’est comme remplir plus de 2 millions de piscines olympiques par an d’eau douce, sans pouvoir se baigner dedans.
La pollution de l’eau
Cette eau, en plus d’être utilisée dans des quantités astronomiques, contient des produits chimiques qui s’infiltrent dans les systèmes d’eau de la planète. En effet, les colorants toxiques et les métaux lourds issus du tannage de cuir sont souvent déversés directement dans les rivières des pays où les réglementations environnementales ne sont pas strictes ou bien appliquées. C’est le cas au Bangladesh, en Chine ou en Inde. Comment l’expliquer ? Le filtrage des eaux usées est coûteux.
Polluée, épaisse et bien souvent noire, cette eau entoure les usines de confection jusqu’à pénétrer les fleuves ou les océans. Selon l’ADEME, 20% de la pollution des eaux dans le monde est imputable à la teinture et au traitement des textiles.
En Chine ou au Bangladesh, le constat est dramatique. Selon le documentaire RiverBlue, plus de 70% des rivières chinoises sont polluées. Ce qui signifie qu’une bonne partie de ses 1,4 milliard d’habitants a accès à de l’eau contaminée. Vous avez peut-être déjà entendu la célèbre phrase de la co-fondatrice de la Fashion Revolution, Orsola de Castro : “on peut prédire la prochaine couleur à la mode en regardant celle des rivières en Chine”. Au Bangladesh, c’est la rivière Buriganga qui sert de dépotoir aux produits chimiques de l’industrie textile. Une des principales conséquences ? Elle ne peut plus accueillir aucune vie animale.
Les produits chimiques : un problème pour la santé des Hommes
Des composants dangereux
En plus des impacts environnementaux, il faut prendre en compte les impacts humains, tout aussi nocifs. Près des trois quarts de l’eau consommée par les usines de teinture finissent sous forme de déchets toxiques contenant des colorants résiduels et des produits chimiques dangereux. Un mélange de métaux lourds (chrome, cuivre, cobalt et zinc), de pétrole, de formaldéhyde, de phtalate, de chlore et d’éthoxylates de nonylphénol (NPE) qui permettent de fixer les couleurs.
“Certains des produits chimiques utilisés dans les teintureries indiennes sont en fait interdit en Europe – une énigme pour ceux d’entre nous qui portent des vêtements importés”, explique Virginia Newton-Lewis, analyste principale des politiques chez WaterAid à Vogue.
Les colorants azoïques, par exemple, très populaires pour la teinture des textiles, s’utilisent à basse température pour obtenir des couleurs vives. Le revers de la médaille, c’est qu’ils sont répertoriés comme cancérigènes et sont susceptibles de perturber le système endocrinien. Vous vous doutez bien qu’au contact de la peau, c’est nocif pour l’Homme, mais encore plus pour les travailleurs du textile.
L’impact sur la santé
Le documentaire RiverBlue a mis en lumière les impacts humains désastreux des procédés de teinture. Au Bangladesh, un homme qui nettoyait du poisson pour nourrir sa famille a été tué par les substances chimiques rejetées par une usine plus tôt dans la journée. Des villages “cancers” sont apparus le long des rivières polluées de Chine rurale et des enfants perdent complètement leur odorat juste en marchant dans le quartier des tanneries au Bangladesh. Les eaux polluées par les tanneries du Gange en Inde sont utilisées pour irriguer des terres agricoles qui produiront des cultures destinées à la consommation humaine.
Bref, vous l’aurez compris, les rivières des pays exportateurs de vêtements deviennent des poisons : toxiques à boire, mortel pour la faune aquatique, irritant pour la peau, augmentation des problèmes de santé et diminution de l’espérance de vie.
Les solutions aux teintures textiles polluantes
Les colorants naturels
C’est l’une des alternatives ! Mais qu’est-ce que les colorants naturels ? Ils sont principalement dérivés de plantes, de graines, de fruits, d’écorces, de lichens et même parfois d’insectes. Mais comme tout procédé, ce n’est pas une solution miracle. Bien qu’ils soient sains et sans toxines, ils nécessitent également beaucoup d’eau pour la production.
Les alternatives innovantes
Même si l’impact des teintures est catastrophique, il existe encore de l’espoir. Riverblue met en évidence le travail effectué par des entreprises pionnières dans les technologies qui minimisent le gaspillage de l’eau et la pollution :
- Italdenim, basée à Milan, par exemple, a trouvé le moyen de transformer les exosquelettes de coquillages jetés par l’industrie alimentaire en un revêtement de fil qui réduit considérablement les produits chimiques nécessaires pour teindre le denim. Sympa, non ?
- Le fabricant espagnol, Jeanologia, quant à lui, utilise des lasers et une machine à ozone pour contourner les techniques à forte intensité d’eau généralement utilisées pour créer des délavages et des effets vieillis sur les denims.
- La société de biotechnologie Colorifix développe des teintures textiles durables sur trois points : environnemental, social et économique. Elle se targue d’être la première entreprise à utiliser un procédé biologique pour produire, déposer et fixer des pigments sur les textiles. Elle transforme la mélasse, le sous-produit du sucre, en colorants utilisables pour la teinture des textiles. Les produits chimiques de fixation sont remplacés par des sous-produits des biocarburants. À suivre !
La route est encore longue pour espérer améliorer le cycle de production des vêtements. Mais des alternatives, et ça c’est positif !